Petite recommandation-surprise car je ne sais pas combien de temps il va rester en salles : le film Sky Dome 2123 mérite votre attention d’une part parce qu’il s’agit de SF (et donc qu’il est forcément plus intéressant que n’importe quel autre genre), et d’autre part parce qu’il nous vient de pays trop méconnus au cinéma pourtant florissant, l’Europe de l’Est. Destination donc un Budapest post-apocalyptique, où la civilisation survit encore sous un dôme de verre, mais à un prix élevé : le monde extérieur n’est plus qu’un désert mort. Pour subvenir aux besoins des survivants, chaque personne doit donc à ses cinquante ans se rendre à un centre de thérapie génique pour devenir un arbre. Il suffit de tirer sur les violons du sacrifice pour convaincre les sceptiques, et le monde se remet à marcher à peu près comme il faut. Or quand une femme choisit d’y partir avant l’heure, son mari tente désespérément de l’en empêcher…

Il est intéressant de voir comment la Hongrie se réapproprie le postcyberpunk : là où cette branche de la science-fiction montre un futur urbain et sombre dominé par le privé, ici c’est bien l’État qui reste au sommet de la pyramide (difficile de ne pas y voir une critique, bien que légère, d’un lourd passé stalinien et du parti nationaliste actuellement au pouvoir). Autre inversion face à de la SF récente, Sky Dome fait le contraire du Règne animal : ici, il ne s’agit pas d’empêcher une transformation, mais bien de la provoquer. Dans les deux cas, l’État s’arroge un droit de propriété sur le corps des individus. On pourrait se dire que c’est une bonne chose : après tout, ici, il s’agit d’une question de vie ou de mort pour ce qui reste du vivant, donc il faut bien ça, non ? Pourtant, ce vivant pourrait bien renaître ; une nouvelle évolution finira par apparaître, mais loin des autorités.

Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó ne donnent en effet pas cher de l’Humanité actuelle : celle-ci est animée en 12 fps (une technique rendant les mouvements saccadés) au beau milieu de décors 3D hyperréalistes, laissant clairement comprendre qu’elle n’est formée que d’êtres brouillons, dépassés par le monde qu’ils ont eux-même créé. L’image-temps est bien présente elle aussi dans la réalisation (c’est-à-dire les moments de flottement ou de contemplation, par opposition à l’image-mouvement) ; mais contrairement au cinéma français où elle est en général simplement signe d’introspection, ici elle est lourde d’un climat dépressif et mortifère.

Sky Dome 2123 est donc une belle découverte totalement inattendue : à la manière de Mars Express, elle offre un cinéma d’animation SF européen, résolument adulte et doux-amer, bien loin des discours macronistes d’un optimisme béat sur un futur fait de clitos sur pattes et de béton armé biodégradable. Hélas, quelques points du scénario m’ont profondément frustré : à quoi servent ces arbres, au final ? À produire de l’oxygène ? Apparemment pas : l’air semble respirable hors des constructions humaines. De la nourriture, alors ? Clairement, non : il ne donnent pas de fruits, et l’Humanité se nourrit désormais par cuisine moléculaire. Plus loin, une découverte scientifique laisse miroiter une survie possible de l’Humanité (en la modifiant d’une façon qui n’est pas sans me rappeler le roman que j’écris actuellement). Après être utilisée comme passe-droit pour entrer dans le repère du « méchant », elle finit par disparaître du scénario ; si l’on explique à un endroit que cette piste est inenvisageable, je ne m’en souviens plus du tout (et rien que ça, c’est déjà un problème d’écriture).

Reste que le cinéma est-européen continue à nous offrir de belles surprises : je vous avais parlé l’an dernier de Volkonogov et j’aurais aimé vous toucher un mot d’How to Save a Dead Friend, il semblerait bien que je n’aie pas fini d’y faire des trouvailles insolites. Allez me mater ça au lieu de vous apitoyer sur la mort du cinoche, alors que vous ne matez quasiment que des films ricains et français ! Après, je dis ça, c’est pour votre culture…

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